« La quantité se mesure, la qualité s’apprécie. » Quoi de mieux que ce célèbre dicton pour illustrer le principe du slow travel, cette nouvelle manière de voyager qui fleurit aux quatre coins du monde ?
Aussi appelé slow tourism, cette approche consiste à ralentir son rythme de voyage pour mieux apprécier sa destination. Depuis la pandémie de coronavirus et l’éclosion du télétravail, cette philosophie du voyage est adoptée par bon nombre de digital nomad ou de familles qui font le tour du monde.
Présenté comme un mode de voyage plus responsable, plus respectueux et plus écologique, le slow travel se présente comme une alternative aux voyages court-terme, dévastateurs pour l’environnement et les populations locales.
Mais alors, quelles sont l’origine et la définition du slow travel ? Le voyage lent est-il applicable à tous les itinéraires et à tous les modes de vie ? Peut-on expérimenter cette forme de voyage avec un budget serré ? À travers cet article, nous explorerons les multiples facettes de cette forme de tourisme durable.
Quelle est la définition du slow travel ?
On entend beaucoup parler de cette nouvelle forme de tourisme, mais sans connaître la définition exacte. Tentons d’y voir plus clair !
Une forme de tourisme durable
En anglais, slow travel est une expression que l’on traduit par « voyage lent » ou « voyage au ralenti » : une manière d’appréhender le voyage avec lenteur et authenticité. On retrouve également cette manière de voyager sous le terme slow tourism (ou slow tourisme), qui signifie « tourisme lent ».
Le Ministère français de l’Économie le définit ainsi :
« Le slow tourisme, c’est l’art de voyager tout en prenant son temps, de s’imprégner pleinement de la nature qui nous entoure et de la richesse du patrimoine. C’est privilégier les rencontres, savourer les plaisirs de la table, avec le souci du respect du territoire et de ses habitants. »
Si le slow travel est un art, il faut adopter une nouvelle vision des choses pour être un slow traveler. Voyager lentement implique donc de modifier ses habitudes.
De plus, selon le projet Med Pearls qui vise à soutenir le développement du tourisme lent en Méditerranée, le slow travel est une « manière durable et responsable » de voyager. Elle s’inscrit dans un projet de développement de tourisme éthique à travers le monde. Plus qu’une simple tendance chez les voyageurs, c’est une alternative soutenue et plébiscitée par beaucoup de mouvements écologistes.
🌿 Envie d’en savoir plus pour voyager de manière éthique ? Découvrez notre article sur les formes de tourismes alternatifs.
6 principes fondamentaux du slow tourism
Mais le slow tourism est bien plus qu’un voyage au ralenti. Il permet de vivre une expérience plus riche, et d’apprécier pleinement l’endroit où l’on est. Pour le pratiquer dans les règles de l’art, quelques principes sont à respecter.
1. La décélération 🕰️
Il faut avant tout ralentir le rythme de son voyage, éviter la hâte et prendre le temps d’apprécier chaque instant. Rester à un endroit plus longtemps permet une expérience plus riche.
2. Le voyage de proximité 🏞️
Bien qu’à la base, le mouvement du slow travel prônait un voyage de proximité, la définition actuelle tolère les destinations lointaines. Ceci, tant que le voyage est mené sur du long terme.
3. Le transport durable 🚲
Se déplacer en respectant l’environnement est un principe fondamental du slow travel. La voiture ou le train sont de bonnes alternatives à l’avion (en transport en commun, c’est encore mieux !). Il faut naturellement préférer voyager à pied ou à vélo si les circonstances le permettent.
4. L’hébergement local 🛖
Faire du slow tourism, c’est aussi opter pour des hébergements gérés par des habitants de la région (Airbnb, Home stay…). Cela favorise ainsi une expérience plus authentique, soutenant par la même occasion l’économie locale.
5. L’immersion culturelle 🍜
Le slow travel est partisan d’une immersion profonde dans la culture locale. Prendre le temps de discuter avec les gens autour de soi, de goûter aux plats de la région ou de participer aux activités traditionnelles du pays : telles sont les manières de vivre une expérience unique.
6. La flexibilité 🆒
S’ouvrir à toutes les opportunités lors de son séjour est indispensable. L’itinéraire du voyageur peut être ajusté et modifié à la dernière minute, selon les besoins ou les imprévus. Adieu les to-do list et les programmes fixés d’avance : la spontanéité est le critère numéro un de cette philosophie.
Pourquoi le slow travel ?
Comment, quand et pourquoi est né ce concept ?
Un concept né avec le slow mouvement
Tout démarre en 1986, lorsque le journaliste gastronome Carlo Petrini crée en Italie la slow food pour contrer la fast food.
Dès lors, un constat est fait : nous sommes victimes du stress de la vie moderne.
Sur son blog la Slow Life, la sophrologue Cindy Chapelle parle de cette tendance comme d’un « mode de vie simple et heureux ». Cela lui vaut d’être baptisé slow movement (ou mouvement slow life). Un objectif est visé : ralentir le rythme de vie.
Le mouvement s’élargit peu à peu à d’autres domaines, comme la slow food, la slow money, la slow fashion ou encore le slow work. Un seul objectif : consommer de manière plus réfléchie.
C’est dans cette démarche globale que naît le concept du voyage au ralenti.
Une réponse au tourisme de masse
Le slow travel apparaît à une époque où le tourisme de masse explose. Croisières dévastatrices pour l’environnement, lieux touristiques bondés, plages et océans pollués : le tourisme classique est de plus en plus controversé.
Dans un article sur le tourisme durable, le gouvernement français met en avant les effets négatifs du tourisme actuel. En effet, sa « massification crée […] de fortes inquiétudes ». Il serait responsable « d’environ 8 % du total des émissions de gaz à effet de serre de l’humanité, dont les trois quarts pour les seuls transports ». La nécessité de remettre en question sa façon de voyager est pressante :
« Souhaiter faire du tourisme amène parfois à se poser des questions délicates. »
« Tourisme durable : une solution pour voyager dans le monde de demain ? » Article du Commissariat général au développement durable, 2021.
Adopter l’art de prendre son temps
Développer le slow travel est une invitation à la déconnexion, à l’ère où tout va de plus en plus vite. Il s’agit de couper avec les réseaux sociaux afin de profiter de l’instant présent. Adieu les stories alléchantes sur Instagram ou les vidéos de voyage sur Tik tok : le voyageur vit une expérience authentique, loin de la course aux likes. Le soin est porté autant sur le trajet que sur le séjour.
Il enseigne aussi l’art de la patience : lorsqu’on pratique le voyage au ralenti, il faut accepter de ne pas tout voir. L’essence d’un pays réside aussi dans ses petits recoins cachés. Perdez-vous dans les ruelles des villes touristiques, posez des questions au serveur du restaurant local : vous serez peut-être témoins de jolies histoires.
Le slow travel est-il accessible à tous ?
La philosophie du slow travel est de plus en plus adoptée par les voyageurs. Pourtant, ce mode de voyage ne semble pas faire l’unanimité. Le quotidien suisse Le Temps ironise à ce propos en parlant de ce mouvement comme « l’art d’appuyer très fort sur la pédale de frein ». Vivre une vie slow, ce serait ralentir au risque de « laisser les autres s’entredévorer… », en se permettant « un nouveau luxe ». Le slow tourism est-il vraiment un privilège réservé à quelques voyageurs fortunés et chanceux ?
Le transport écologique : à quel prix ?
Voyager plus lentement incite à utiliser des moyens de transport plus écologiques, afin de réduire son empreinte carbone. Pour être un slow traveler, mieux vaut dire adieu à l’avion. Cela permet de privilégier le train, les transports en commun ou le vélo. Pourtant, en France, le prix d’un billet d’avion coûte souvent moins cher qu’un billet de train ou un trajet en voiture.
À titre d’exemple, voici un comparatif du prix d’un trajet aller-retour Bordeaux-Marseille en France, entre le 15 janvier et le 28 janvier 2024 :
- en voiture : total de 128,47 €, péages inclus ;
- en train : total de 122,50 € ;
- en avion : total de 30 € en voyageant avec Ryan Air.
Le magazine UFC Que Choisir publie en 2023 un article détaillant les tarifs de la SNCF au kilomètre. Malheureusement, le constat n’est pas très bon. Si l’on veut être un slow traveler voyageant en train, moins on ira loin, plus on paiera cher !
« Moins c’est long, plus c’est cher ! »
UFC Que Choisir, « Les tarifs de la SNCF », 2023.
Prendre le temps : un privilège ?
Même si le slow travel s’adresse à tout le monde, si on veut le pratiquer dans les règles de l’art, il faut du temps. Il n’est pourtant pas possible pour tout le monde de prendre un congé de plusieurs semaines. Beaucoup de personnes sont retenues par leur profession, leur famille ou leur emploi du temps. Obtenir un congé sans solde est difficile : il faut pouvoir survivre financièrement à une telle décision. Pour ceux pour qui les finances ne sont pas un souci, leurs responsabilités professionnelles les empêchent parfois de s’absenter trop longtemps.
De plus, le stress de la vie active donne envie de s’offrir un « tout compris » dans une grande chaîne de voyages organisés, sans se soucier de tout planifier pour voyager lentement. Et si se déconnecter de la vie moderne, c’était mettre les pieds sous la table, un cocktail à la main ? Le rythme effréné de notre quotidien du monde occidental donne des envies de farniente. Le côté imprévisible du slow travel peut à ce titre en effrayer plus d’un.
Il faut aussi rappeler que pour beaucoup de Français, partir en vacances n’est pas possible. Selon l’Observatoire des inégalités, seulement « 37 % des plus modestes » font leurs valises chaque année. Ainsi, pour un grand nombre de foyers, la question du slow travel ne se pose même pas.
Le slow travel, un voyage à l’écart de la vie sociale ?
On parle de plus en plus de la FOMO (Fear Of Missing Out), traduite par la « peur de rater quelque chose ». Cette forme d’anxiété sociale pousse de nombreuses personnes à rester connectées pour ne pas manquer un événement.
Ainsi, comment oser voyager en Italie sans avoir vu le Colisée, la tour de Pise ou les gondoles de Venise ? Si on rentre sans avoir visité de tels monuments, quelle sera la réaction des gens de notre entourage ? De plus, en voyageant près de chez soi, est-on vraiment un voyageur aux yeux des autres ? N’est-ce pas plus « cool » de partir à l’autre bout du monde, dans des destinations de rêve ?
Et puis le slow travel, par son caractère contemplatif, pourrait faire peur à beaucoup de personnes à la recherche d’interactions sociales. En effet, voyager au ralenti, loin des destinations touristiques, empêcherait peut-être de faire des rencontres, de sortir ou de s’amuser, justement dans ces lieux où tout semble se passer.
Les réseaux sociaux n’aident pas à sortir de cette FOMO. Entretenant des images sublimées de la réalité, les internautes sont sans cesse poussés à se comparer aux autres. Dans le slow travel, peu d’expériences sont « instagrammables ». Ainsi, pour beaucoup de personnes, l’objectif premier d’un voyage n’est pas l’expérience authentique promise par le tourisme lent.
Quels avantages au slow travel ?
Il n’est pas si simple de s’offrir des vacances au ralenti. Pourtant, le slow travel promet de nombreux avantages à ceux qui auront la chance de le pratiquer.
Se reposer
L’avantage numéro un du slow travel : il répond au besoin de repos de plus en plus présent en Europe. Un sondage Ipsos affirme d’ailleurs que « la plupart des Européens ont aujourd’hui le sentiment de vivre au quotidien sous la pression du temps et de l’urgence. » Les chiffres annoncent un fort besoin d’aller plus lentement : « Près de 8 Européens sur 10 […] déclarent avoir l’intention de ralentir leur rythme de vie ». Le slow tourism, c’est la possibilité de s’extraire un instant du tumulte de la vie contemporaine.
Et ce n’est pas tout. Selon un article du projet Med Pearls, en plus d’être un besoin pour la majorité des Français, « le tourisme lent peut […] avoir un impact positif sur la santé mentale. En ralentissant et en prenant le temps de vous détendre, vous pouvez réduire considérablement votre niveau de stress et reconstituer votre énergie. »
Le voyage au ralenti semble ainsi être la promesse tant attendue de vacances reposantes et ressourçantes.
Maîtriser son budget
Cela peut sembler difficile à croire, mais opter pour le slow tourism peut être plus économique qu’un voyage organisé. Pour cela, il suffit :
- d’être flexible quant aux dates de départ. Ainsi, il est possible de dénicher des billets d’avion ou de train à des tarifs plus abordables.
- de planifier son propre itinéraire de voyage. On peut ainsi décider d’éviter les grandes villes, où le coût de la vie est plus élevé.
- d’éviter les zones et activités touristiques de masse, qui peuvent être très onéreuses.
- de renoncer aux chaînes d’hôtels, très chères et souvent dépourvues du charme local.
- d’explorer les alternatives d’hébergement chez l’habitant. Parmi les possibilités, il existe le couchsurfing, le home stay ou le wwoofing, permettant une expérience immersive et authentique à moindre coût.
Préserver l’environnement
En privilégiant les modes de transports dits « propres », le tourisme slow limite l’empreinte carbone des voyageurs. Selon l’écopreneur Benjamin Broustey, ce mode de voyage n’est certes pas le plus vert, mais il s’en rapproche.
Le ministère de l’Écologie semble d’ailleurs se satisfaire du slow travel, qui se rapproche d’après lui du tourisme durable. En effet, « la pratique incite à des voyages plus écologiques, à faibles émissions de CO², qui respectent le patrimoine et la biodiversité ».
Après la pandémie de covid-19, l’État français a d’ailleurs lancé le projet France Relance, visant à relancer le tourisme dans l’Hexagone. Pour cela, 50 millions d’euros ont été accordés, dont 10 % ont été dédiés au slow tourisme.
Le slow travel est ainsi une démarche soutenue par les autorités et les mouvements écologistes.
Respecter les populations locales
Le Slow Tourisme Lab voit le slow travel comme une réponse à de nombreux problèmes sociaux engendrés par le tourisme classique.
Tout d’abord, le fait de profiter d’un endroit plus longtemps permet une sorte de « tourisme communautaire » qui « construit des relations entre voyageurs et locaux ». Pour cela, il suffit de participer à la vie sur place : manger au restaurant du village, boire un café sur la place centrale, participer aux initiatives touristiques des habitants… Tout cela favorise le bouche-à-oreille et aide le voyageur à vivre une immersion plus authentique dans la culture du pays.
Cette forme de tourisme participe par ailleurs à « l’amélioration des conditions de vie des populations locales », et limite l’impact négatif sur les habitants. C’est un critère de plus en plus important, car le tourisme de masse induit des nuisances de toutes sortes auprès des locaux. En 2023 par exemple, la ville de Venise, croulant quotidiennement sous un afflux de touristes, décide de faire payer l’accès à la ville, espérant y trouver une accalmie. De même pour la ville croate Dubrovnik, qui interdit cette même année les valises à roulettes, afin de lutter contre les nuisances sonores dans ses rues.
Le portail des entreprises françaises parle du slow tourisme de cette manière : il peut « permettre des rencontres et partager les modes de vie des populations locales » tout en « respectant le territoire et ses habitants ». Le slow travel mérite ainsi d’être développé, pour empêcher les nuisances que subissent les populations des zones touristiques.
🇧🇷 Découvrez un exemple d’innovation touristique : l’Office du Tourisme du Brésil lance l’Embrasur Lab.
Le pense-bête du slow traveler
Avant de clore cet article, voici un petit pense-bête, dans lequel vous trouverez des conseils pour voyager selon les règles de l’art du slow travel.
📍 Qu’est-ce qui définit le lieu dans lequel vous avez mis les pieds ? Existe-t-il une cuisine locale ? Y a t-il une histoire derrière ces bâtiments ? Qu’ont vécu les habitants de cet endroit ?
🕰️ Prenez votre temps. Admirez le lever du soleil, couchez-vous sous ses magnifiques couleurs, appréciez les instants précieux du moment présent.
📸 Capturez quelques instants de votre voyage. Vous pouvez aussi esquisser quelques coups de crayons sur un carnet à dessins.
☀️ Quel temps fait-il aujourd’hui ? Est-ce une journée pour randonner, pour partir à vélo, ou pour vous abriter dans votre van aménagé ? Suivez vos envies, votre choix sera le bon.
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Cet article vous est proposé par Camille Egler.
Ancienne aventurière, prof de français, j’ai deux passions : la langue française et changer de centre d’intérêt comme de chemise. Depuis quelque temps, la rédaction web me permet justement de voyager dans différents univers, tout en partageant ma maîtrise de la langue.
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